Historique AIEA
Le contrôle de l’AIEA est un contrôle de finalité dont l'objectif consiste à garantir que les matières nucléaires dont l’Agence a la garde ne sont pas employées à des fins autres que pacifiques.
Depuis l’entrée en vigueur des Protocoles additionnels, le contrôle de l’Agence ne se limite plus aux matières nucléaires ; il s’étend à la fourniture d’informations concernant l’industrie nucléaire.
Selon le Statut de l'AIEA (article III.A.5), l’Agence a pour attributions d'instituer et d'appliquer des mesures visant à garantir que les produits fissiles spéciaux et autres produits, les services, l'équipement, les installations et les renseignements fournis par l'Agence ou à sa demande ou sous sa direction ou sous son contrôle ne sont pas utilisés de manière à servir à des fins militaires ; et d'étendre l'application de ces garanties, à la demande des parties, à tout accord bilatéral ou multiatéral ou, à la demande d'un Etat, à telle ou telle des activités de cet Etat dans le domaine de l'énergie atomique.
Le 8 décembre 1953, quand le président des Etats-Unis présente son plan "Atoms for peace", il esquisse ce qui conduira à la création de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique en 1957. C'est la première pierre de l'évolution des démarches internationales contribuant à la non-prolifération des ADM qui est posée.
Les grandes étapes de la création de l'AIEA
1953 - Atoms for peace
En décembre 1953, le président Eisenhower a proposé dans un discours intitulé "Atoms for peace" ("l'atome au service de la paix"), prononcé à l'Assemblée générale des Nations Unies, la création d'une Agence Internationale de l'Energie Atomique dont le siège serait situé à Vienne en Autriche. Cette Agence aurait pour double fonction d'encourager l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques et de prendre une part active au contrôle des matières nucléaires en vue de la réduction des armements.
En vertu de ce plan, les trois Etats qui disposaient de l'arme nucléaire à l'époque placeraient certaines quantités de matières nucléaires à la disposition de l'agence internationale qui, de son côté, stockerait et protégerait ces matières et en fournirait pour des utilisations pacifiques, par exemple dans les domaines de la production d'électricité, de la médecine et de l'agriculture.
Il en est résulté toute une série d'échanges bilatéraux intenses entre les Etats-Unis et l'URSS au sujet de la constitution de l'agence internationale proposée.
1954-1956 – La négociation sous l’égide de l’ONU
Lors des sessions de 1954 et 1955, l'Assemblée générale des Nations Unies est parvenue à la conclusion que la nouvelle Agence ne devrait pas être une institution spécialisée des Nations Unies, mais une organisation autonome qui coopérerait avec l'ONU et ses divers organes compétents. Au cours des mêmes années, un groupe de négociation de huit Etats a élaboré pour l'Agence un projet de statut fondé sur l'idée que l'Agence devait jouer le rôle d'une sorte d'intermédiaire pour les matières, les équipements et les informations nucléaires. Les propositions antérieures tendant à ce que l'Agence prenne en dépôt et contrôle les matières furent abandonnées.
En octobre 1956, alors que deux crises internationales majeures se déroulent (Moyen-Orient et Hongrie), le Statut de l'AIEA est adopté à New York, en marge d’une réunion de l’ONU.
1957 – Création de l’AIEA
En juillet 1957, alors que 26 Etats ont déposé leur instrument de ratification, le Statut de l’AIEA entre en vigueur.
Ce Statut énonce deux principes fondamentaux et complémentaires. D'une part, l'Agence a pour but de promouvoir l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques ; d'autre part, elle doit s'efforcer de veiller à ce que l'aide qu'elle fournit ne soit pas utilisée de manière à servir à des fins militaires.
Le Traité de non-prolifération (TNP)
1958-1968 – La négociation du TNP
En 1958, la délégation irlandaise présente à l’Assemblée générale des Nations Unies un projet de résolution sur les dangers inhérents à une diffusion plus large des armes nucléaires. Cette « proposition irlandaise » constitue le point de départ de toutes les mesures prises ultérieurement par l’ONU dans le domaine de la non-prolifération nucléaire.
De 1959 à 1961, l’Assemblée générale adopte un certain nombre de résolutions liées à la « proposition irlandaise » puis crée le Comité des dix-huit puissances (comprenant des pays des deux blocs ainsi que des pays non alignés) sur le désarmement. Il commence par élaborer des propositions relatives au désarmement puis, en 1965, les Etats-Unis et l’URSS présentent des projets de traités sur la non-prolifération.
En août 1967, ils soumettent deux projets identiques dont les versions révisées identiques voient finalement le jour en janvier 1968. Les ENDAN cherchent à obtenir des compensations, des mesures tangibles dans le sens du désarmement et des garanties de sécurité de la part des EDAN.
C’est en dehors du TNP, dans la résolution 255 que le Conseil de Sécurité a accordé le 19 juin 1968 une garantie de sécurité –dite « garantie positive de sécurité »- en promettant une assistance aux Etats non dotés d’armes nucléaires qui seraient victimes d’un acte ou l’objet d’une menace d’agression avec emploi d’armes nucléaires.
1968-1970 – L’entrée en vigueur du TNP
Le 1er juillet 1968, le Traité a été ouvert à la signature à Moscou, à Washington et à Londres. Il est entré en vigueur le 5 mars 1970 après ratification des trois Puissances dépositaires et par 40 autres Etats signataires.
Le Traité de Non-Prolifération nucléaire est la « pierre angulaire » du régime de non-prolifération nucléaire.
Selon ce traité, les Etats dotés de l’arme nucléaire (Etats ayant fait exploser une arme nucléaire au 1er janvier 1967) ne doivent en aucune façon assister, encourager un Etat non doté à acquérir l’arme nucléaire (article I). Les Etats ainsi définis par le TNP sont au nombre de cinq (Etats-Unis, URSS, Royaume-Uni, France et République populaire de Chine). Selon le TNP, tous les autres Etats sont non dotés, dès lors qu'ils sont partie au TNP.
Chacun des Etats non dotés de l’arme nucléaire devenant partie au TNP s’engage à ne pas acquérir d’armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs (article II). Il accepte également de conclure avec l’AIEA un accord de garanties généralisées qui prévoit l’application de garanties à toutes ses activités nucléaires pacifiques, présentes ou futures, en vue de vérifier le respect de ses obligations aux termes du Traité (article III).
En retour, le Traité reconnaît (article IV) le droit de toutes les parties à un échange aussi large que possible d’équipements, de matières et de renseignements scientifiques et technologiques en vue des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire. Les parties s’engagent également à poursuivre de bonne foi des négociations en vue du désarmement nucléaire qui s'inscrit dans le cadre d'un désarmement général et complet (article VI), et réaffirment dans le préambule leur détermination à mettre un terme à tous les essais d’armes nucléaires.
1992 - La France accède au TNP
Le 2 août 1992, la France est le dernier des cinq Etats dotés d'armes nucléaires à rejoindre le TNP dont elle avait déclaré qu'elle en respecterait les dispositions. En effet, dès le 12 juin 1968, le Représentant permanent de la France auprès des Nations Unies déclarait : "La France, pour sa part, [...] se comportera dans l'avenir, dans ce domaine, exactement comme les Etats qui décideraient d'y (le TNP) adhérer. Aucun doute n'existe certainement à cet égard dans l'esprit de personne."
1995 – La prorogation illimitée du TNP
Comme le prévoyait le traité lui-même, les parties devaient statuer sur sa prorogation vingt-cinq ans après son entrée en vigueur. Malgré les réticences de certains pays non-alignés (le Mexique et l’Indonésie) et des pays arabes (à cause de l’absence d’Israël dans le Traité), le TNP a été prorogé pour une durée illimitée à New York le 11 mai 1995. A cette occasion, les Russes et les Américains ont rappelé les progrès considérables réalisés dans le domaine du désarmement nucléaire (accords START notamment).
Les garanties positives et négatives de sécurité ont été réitérées par les cinq peu de temps avant l’ouverture de la Conférence et la résolution 984 du Conseil de sécurité en a pris acte.
2006 – 189 Etats membres
Au 1er janvier 2006, selon que l’on inclut ou pas la Corée du Nord, le TNP comptait 188 ou 189 Etats parties.
Trois Etats n'ont pas, à ce jour, signé le TNP. Il s'agit de l'Inde, d'Israël et du Pakistan.
Depuis l'entrée en vigueur du TNP, l'Agence est chargée de vérifier que toutes les matières nucléaires dans toutes les activités nucléaires pacifiques des Etats non dotés d'armes nucléaires (au sens du Traité) ne sont pas détournées pour des armes nucléaires ou autres engins nucléaires explosifs.
Les garanties internationales de l'AIEA
Définir les garanties
Définir les "garanties de l'AIEA" relève de la gageure. Le terme même de "garanties", traduction française du mot anglais "safeguards" pose problème. En effet, la totalité du sens du mot anglais "safeguards" n'est pas incluse dans le mot français "garanties". Mais, jusqu'à présent, à part une périphrase du type "mesures de contrôle", pour reprendre une des définitions de l'édition 2001 du glossaire de l'Agence, personne n'a encore trouvé mieux.
Pour Hans Blix, Directeur général de l’AIEA de 1981 à 1997, les garanties sont « les activités de vérification de l’AIEA [qui] aident à assurer que les Etats respectent bien les engagements qu’ils ont pris concernant l’utilisation pacifique de l’énergie atomique ».
Le régime des garanties internationales de non-prolifération a été créé en 1957, date de l'adoption du statut de l'AIEA. Ce système a pris toute sa valeur en 1970 lors de l'entrée en vigueur du TNP, notamment de son article III.
Trois grands types d’accords de garanties existent :
Les accords de garanties restreints
Certains Etats (Inde, Israël, Pakistan), qui n’ont pas signé le TNP, ont conclu avec l’Agence des accords de garanties plus limités (de type INFCIRC/66), qui ne s’appliquent qu’aux matières nucléaires, à l’équipement, aux matières non nucléaires et aux installations spécifiées par l’accord (donc désignées par l’Etat).
Les accords de garanties généralisés
Afin d'offrir un cadre juridique approprié et identique pour tous les signataires, un modèle d'accord de garanties généralisées, l'INFCIRC/153 (corrigé en 1983), a été élaboré en 1971 par un comité d'experts ressortissants d'Etats membres de l'AIEA. Ce modèle est le résultat de compromis afin d'inciter les ENDAN à adhérer à ce nouveau régime de contrôle.
L'INFCIRC/153 est un accord de garanties généralisé, ce qui signifie que les garanties s’appliquent à toutes les matières nucléaires dans toutes les activités nucléaires d’un Etat. Il est essentiellement basé sur la vérification par l’AIEA de la comptabilité des matières nucléaires déclarées.
Les offres volontaires
La France, comme tous les EDAN, n’était pas obligée de conclure un accord de garanties avec l’Agence. Elle a néanmoins souscrit, sur une base volontaire, de la même façon que les quatre autres puissances nucléaires reconnues, un accord de garanties sur le modèle des accords de garanties généralisées conclus entre l’AIEA et les ENDAN. Par cet accord (l’NFCIRC/290), signé le 27/07/1978, la France soumet au système de garanties de l'AIEA, les matières nucléaires qu’elle désigne, dans des installations, ou parties d’installations choisies. Pour tenir compte du contrôle de sécurité exercé par la CEEA, l’accord de garanties conclu par la France présente un caractère trilatéral, EURATOM étant partie à l’accord.
Cette volonté des EDAN de souscrire un accord de garanties était notamment motivée par l'inhérente facilitation des échanges avec les autres Etats. En effet, de nombreux Etats suspendaient leurs échanges commerciaux sur les matières nucléaires à la condition de l'application des garanties.
Le renforcement des garanties
La découverte du programme nucléaire militaire clandestin irakien et les difficultés rencontrées par l'AIEA en Corée du Nord ont mis en évidence l'insuffisance des mesures appliquées dans le cadre de ces accords de garanties, même pour les accords de garanties généralisées. Ces Etats étaient en effet tous deux signataires de tels accords.
Afin de pallier ces insuffisances, le Secrétariat de l'AIEA a commencé, en 1993, à travailler sur un programme ambitieux de renforcement du régime des garanties. Les objectifs fondamentaux de ce programme étaient, d'une part d'améliorer les capacités de l'AIEA à détecter des activités clandestines, d'autre part, d'augmenter le rendement et l'efficacité des garanties. Ce programme, communément appelé "93+2", a été scindé en deux parties. La première partie comporte les mesures qui pouvaient être mises en œuvre sans modification du cadre juridique existant. La seconde partie comporte les mesures dont la mise en œuvre nécessitait de doter l'AIEA de nouveaux pouvoirs juridiques.
Les mesures d'urgence
Les mesures d’urgence portaient sur trois points :
- l'obligation de déclarer une nouvelle installation nucléaire 180 jours avant le début des travaux de construction (et non plus 180 jours avant la première introduction de matières nucléaires) ;
- l'engagement de déclarer les transferts internationaux et la production de concentrés d’uranium et de thorium ainsi que de toute matière obtenue comme sous-produit qui n’a pas atteint la composition et la pureté suffisantes pour la fabrication de combustible ou l’enrichissement par séparation isotopique (INFCIRC/415) ;
- le recours effectif aux inspections spéciales (dans les installations déclarées ou non).
Les mesures nouvelles : l'INFCIRC/540
Pour compléter ces mesures d’urgence, le Conseil des Gouverneurs a décidé l'élaboration d'un modèle de protocole additionnel aux accords de garanties existants : l'INFCIRC/540. Ce protocole a été, à l'instar de l'INFCIRC/153, préparé par un comité d'experts au sein de l'AIEA. Il a été adopté par un Conseil extraordinaire des gouverneurs, le 15 mai 1997.
Conçu à l'origine pour les ENDAN soumis aux garanties généralisées, ce document a servi également de base pour la négociation des protocoles additionnels aux offres volontaires des EDAN, ainsi qu'aux Etats ayant conclu un accord de garanties au champ d'application limité, de type INFCIRC/66 (Inde, Israël, Pakistan).
Le Protocole additionnel français
Le 22 septembre 1998, la France a signé un protocole additionnel. Comme l'accord qu'il complète (INFCIRC/290), ce protocole implique également EURATOM. Tous les pays membres de l'Union européenne ont ratifié cet accord à la même date, le 30 avril 2004. Le Protocole additionnel est entré en vigueur à cette même date dans les quinze pays de l'Union.
Le Protocole additionnel français diffère par rapport au modèle de Protocole additionnel (INFCIRC/540) et est entré en vigueur le 30 avril 2004.
La France doit désormais respecter ses nouveaux engagements et fournir régulièrement à l'AIEA des déclarations comprenant :
- les activités de recherche et développement liées au cycle du combustible nucléaire menées en coopération avec des ENDAN ;
- les opérations de fabrication d'équipements ou de matières non nucléaires (pouvant éventuellement être utilisés dans des programmes nucléaires) menées en coopération avec des personnes ou des entreprises dans un ENDAN ;
- les importations et exportations de déchets conditionnés de haute ou de moyenne activité contenant du Plutonium, de l'uranium 235 ou de l'uranium 233, depuis ou vers un ENDAN ;
- les exportations de certains équipements ou matières non nucléaires (pouvant éventuellement être utilisés dans les programmes nucléaires d'un ENDAN) vers des ENDAN ;
- les activités de coopération prévues avec des ENDAN pour les dix années à venir qui se rapportent au développement du cycle du combustible nucléaire.
A noter également que l'AIEA a la possibilité de demander des compléments d'informations (éclaircissements) sur les déclarations et, sous certaines conditions, de procéder à des vérifications ("Accès complémentaires") en tout lieu situé en France.
La mise en œuvre en France du Protocole additionnel est assurée par le CTE et par son appui technique, l'IRSN/PDS-DEND/SNPC qui est chargé plus particulièrement de la préparation des déclarations.
Les garanties intégrées
Depuis les années 2000, l'AIEA développe le concept de garanties intégrées.
On entend par garanties intégrées la combinaison de manière optimale de toutes les mesures de contrôle que l'Agence peut mettre en place en vertu des accords de garanties généralisés et des protocoles additionnels.
Par essence, les garanties intégrées visent donc les ENDAN disposant d'un accord de garanties généralisé et d'un protocole additionnel en vigueur.
Après avoir conclu quant à l'absence de matière et d'activité nucléaire non déclarées, l'Agence développe pour l'Etat concerné une approche de contrôle spécifique basée sur une confiance accrue qui se traduit par une réduction de l'effort d'inspection et un accroissement du caractère inopiné des vérifications.